top of page

Sicile - Va Bene

  • Stephanie Maurice
  • Oct 3
  • 4 min read
view of Sicily
Photo: Jessica Thibault

J’aimerais capturer l’essence de ce que j’ai trouvé ici en Sicile, la mettre en capsule et pouvoir y revenir à tout moment de ma vie. C’est un mélange de paix intérieure, de lâcher-prise, de calme et de bien-être. 


En atterrissant dans notre nouvelle terre d’accueil, je me suis immédiatement sentie chez moi. L’air chaud, les palmiers, la conduite qui semble un peu effrénée… J’ai dit oui, les bras ouverts, à tout ce qui m’attendait. 


Dès les premiers instants, j’ai été frappée par le rythme différent de la vie ici : les commerces fermés l’après-midi, les retards dans les rendez-vous d’installation, la démarche tranquille des passants. Une situation m’a particulièrement marquée. Alors que nous nous installions, en attendant la livraison de notre cargo, je cherchais un grille-pain pour équiper mon AirB&B. Après l’avoir cherché en vain dans toutes les allées, j’ai demandé de l’aide à une caissière. Voyant mon incompréhension face à ses explications, elle a quitté son poste pour m’accompagner dans les rayons. Non seulement elle m’a aidée à trouver le grille-pain, mais elle a aussi pris le temps, à ma demande, de m’indiquer l'endroit où se trouvaient les ouvre-boîtes. Pendant ce temps, les clients faisaient la file à sa caisse, sans s’impatienter ni poser de questions. La patience ambiante m’a bouleversée. 


C’était un choc, mais le plus doux des chocs. J'ai constaté à quel point la peur de déranger est ancrée dans notre culture. À quel point nous sommes conditionnés à ne pas perdre de temps, à être efficaces dans chacun de nos gestes. Comment avons-nous fini par croire qu’une caissière ne peut pas quitter son poste pour aider quelqu’un, sans provoquer l’indignation des autres? 


Ce rythme ralenti, où l’on prend le temps, a eu des effets profondément bénéfiques sur ma santé. Ici, je sens mon rythme cardiaque ralentir. C’est comme si l’air portait en lui une philosophie du moment présent, une acceptation tranquille que parfois, les choses sont ainsi — que chacun fait de son mieux, que les choses finiront par se placer avec le temps. Va Bene. 


Alors j’observe et j’absorbe. Je m’imprègne autant que possible de cet esprit de patience et tente de l’ancrer en moi. Je regarde autour de moi : les gens qui prennent leur temps, silencieusement, dans une file ; qui laissent courtoisement passer devant eux, à l’épicerie, ceux qui ont moins d’articles à acheter. Les gens qui marchent tranquillement sur le trottoir, sans se presser de se tasser lorsque quelqu’un marche plus vite, mais qui gardent leur rythme. Je sens que chacun prend la place qui lui revient, sans se bousculer. 


Quand j’ai eu une crevaison en voiture, ou lorsque le moteur s’est noyé dans une rue inondée, des samaritains sont venus m’aider. Ils avaient sûrement eux aussi des obligations, mais ils ont pris le temps. S’arrêter pour aider une inconnue est devenu leur priorité du moment, au-delà de leur propre emploi du temps. Je leur en ai été mille fois reconnaissante. Et je me souviendrai toujours de cet apaisement : celui de ne pas être seule face à une situation déstabilisante. 


Je ne sais pas exactement ce qui explique ce bien-être que je ressens ici, loin de chez moi. Peut-être que l’éloignement nous permet de prendre du recul sur notre vie, notre culture… Peut-être que le bruit ambiant — les obligations, les normes qu’on entend en bruit de fond dans notre tête — s’estompe peu à peu. Peut-être que le silence nous ramène à l’essentiel : la simplicité, notre intériorité. 


Le fait d’être extérieure à la culture, de ne pas comprendre la langue, et de savoir que je suis ici temporairement, me permet de me détacher plus facilement du regard des autres. Pour quelqu’un qui accorde beaucoup d’importance à ce que les autres pensent d’elle, c’est libérateur.  


C’est comme si je pouvais enfin me donner le droit de pas à plaire à tout le monde. J’accepte d’être une « outsider », sans chercher à me conformer au mode de vie local — parce que, de toute façon, je sais que je repartirai. Alors, je fais comme je le sens. Je détonne, je sors du lot. Et parfois, on se sent un peu extraterrestre : comme quand on va au restaurant à 19 h, quand on porte des chaussures un peu sales, quand nos enfants ne portent pas de manteaux à 17°C ou lorsqu’ils jouent dans les fontaines de la grande place. 


Je me surprends parfois à chanter des chansons à pleine voix, les écouteurs dans les oreilles, dans mes marches matinales le long des rues peu fréquentées. C’est ça, quelque part, se libérer du regard des autres. C’est embrasser la spontanéité! 


J’aimerais encapsuler ce calme intérieur, cette capacité à relativiser le stress que l’on s’impose par peur de déplaire, d’être en retard ou de ne pas « fitter » dans le moule. J’aimerais garder cette essence qui m’habite ici : sentir que je vaux la peine, peu importe ce que les autres peuvent dire ou penser, avoir confiance que les choses finiront par se faire et lâcher prise sur ce besoin de performer à tout prix.  


Bref, je nous souhaite à toutes et tous de « chiller » un peu plus et de garder de vue l’essentiel : la santé, l’entraide, la simplicité!

bottom of page